Search and Destroy

On annonce le suicide de la célèbre Sophie Rose, unique héritière de l’empire industriel français Rose S.A. Si l’hebdo Vu en France demande au critique rock Marc Torrid, ex-chanteur du groupe punk parisien Tabacaria, de signer un article consacré à la brutale disparition de la bimbo nationale, c’est qu’il avait écrit une chanson intitulée « Sophie Rose », devenue depuis un standard. Marc Torrid enquête sur les derniers jours de Sophie Rose, et finit par découvrir les véritables circonstances de la mort de la jeune héritière.
Dans Search and Destroy, où l’on croira reconnaître diverses personnalités du milieu du rock et de la presse, Thierry Tuborg mêle la réalité à la fiction, car, écrit-il, « la réalité dépasse tout le temps la fiction. Tout bonnement parce que la réalité, elle, n’a ni censeur, ni rédacteur en chef, ni éditeur, ni annonceur publicitaire derrière son épaule ».

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Search and Destroy – Thierry Tuborg

Editions Le Cercle Séborrhéique – 2008 – ISBN : 978-2-9521790-3-4 173 pages – 13 € – Livraison gratuite PAYEZ AVEC PAYPAL CI-DESSOUS ou rendez-vous en page contact pour payer par chèque

13,00 €

EXTRAIT :

            Un gentil petit texte ? Mille cinq cents signes ? Pas question, j’allais plutôt me jeter à corps perdu dans cette histoire d’enquête sur la disparition de la bimbo française Sophie Rose, afin de m’occuper, de me ventiler le cerveau, de penser ne serait-ce que quelques jours d’affilée à autre chose que la dope, les médocs, tous ces cachetons que je me procurais au noir et que je m’envoyais quotidiennement sans plus trop m’en rendre compte.
            L’attachée de presse Axelle Vaucouleur, ou la relation publique, comme on disait de nos jours, accepta tout de suite de me rencontrer. Il était tout de même question d’un papier pour Vu en France. Elle me reçut au début de l’après-midi du lundi dans le magnifique bureau qu’elle occupait au siège de Rose S.A., l’empire financier dont Sophie avait été l’héritière. C’était une quadra, tout comme moi. Brune, coiffée court, pas très grande, dynamique. Si je comprenais bien, elle avait chaperonné Sophie Rose durant une bonne dizaine d’années dans le monde des médias. Autant dire que ces deux-là avaient été fourrées ensemble toute la sainte journée.
            — Ainsi Marc Torrid, c’est toi ! Enchantée de faire enfin ta connaissance, depuis l’époque de Tabacaria ! Et comment se porte ce cher Denis Secondat ? Ça fait un bail que nous ne nous sommes pas revus, lui et moi. Ah ! RockHouse ! Toute ma jeunesse !
            — Ouais, comme tu peux le constater, avoir chanté dans Tabacaria et écrire dans RockHouse, ça peut mener à tout, même à Vu en France, si on n’y fait pas gaffe.
            — C’est une idée de qui, ce papier signé par Marc Torrid, l’ancien chanteur de Tabacaria ? De toi, ou de Vu en France ?
            — Ça vient d’eux, bien entendu. Comment pourrait-on croire que j’aie eu une idée pareille, qui plus est les contacter pour la leur vendre ? Non, non ! Ils m’ont appelé, et disons qu’ils se sont montrés très convaincants.
            — D’accord. Qu’est-ce que tu veux savoir, au juste ? Ce qui a bien pu motiver l’acte fou de Sophie Rose ?
            — Par exemple.
            — Eh bien je vais t’épater. Le scoop : je n’en sais rien du tout !
            — Parle-moi des derniers instants que vous avez passés toutes les deux. Tu es sans doute la dernière personne à l’avoir vue vivante, non ?
            Elle me scruta un long moment, silencieuse. Manifestement, elle hésitait à se confier à moi. Qu’avais-je bien l’intention d’écrire dans ce papier ? N’allais-je pas, comme vingt ans auparavant, tenter de tourner la jeune héritière en dérision ?
            — Axelle, soupirai-je, je ne suis ni un flic, ni un paparazzo. Je suis juste l’auteur de cette chanson, Sophie Rose, qui dois aujourd’hui rédiger pour Vu en France un papier assez sérieux sur sa dramatique disparition. Je ne te réclame pas de révélations fracassantes, ni les derniers potins.
            — D’accord ! D’accord ! La toute dernière fois que j’ai vu Sophie, c’était avant-hier soir, nous nous rendions à la grande réception du producteur Bob Lévitan, aux Douze Coups. Sa soirée d’anniversaire constitue toujours le plus gros événement de la saison mondaine, comme tu le sais.
            — Je t’assure que j’ignore au plus haut point tout ce qui peut se rapporter à la heu… la saison mondaine.
            — En même temps, nous sommes, enfin nous étions en pleine promotion de La Ligne Rose…
            — La Ligne Rose ? Qu’est-ce que c’est ?
            — Notre ligne de prêt-à-porter pour les adolescentes. C’est tout neuf, ça vient de sortir. Sophie et moi l’avons créée ensemble. Bref, dans la limousine qui nous conduisait toutes les deux aux Douze Coups, elle m’avait bien semblé quelque peu agitée. Elle tapotait nerveusement ses doigts sur son dossier, son regard se perdait à travers la vitre de la portière, elle n’arrêtait pas de changer de station de radio, ce qui commençait à me porter sur les nerfs…


            — Sophie, je t’en prie, nous avons quelques détails à voir ensemble avant d’arriver.
            Sans un mot, Sophie Rose retombe dans son siège et soupire.
            — Bon, continue Axelle Vaucouleur. Ce soir il va te falloir faire une meilleure impression à Sonia, du magazine Belle. Tu l’as totalement ignorée la semaine passée. Elle est très déçue, tu sais ?
            — Je sais, je sais. Et aussi Jacqueline, de VIP. Je sais, j’ai juste fait ça des milliers de fois déjà !
            Elle s’arrange les cheveux en faisant la moue tandis que la relation publique attrape un magazine.
            — Tu as vu la couverture de L’Image ?
            Sophie en lit le gros titre : « Un jeune héritière sans cause : Sophie Rose nous parle ». Elle lui arrache le magazine des mains et le feuillette.
            — Tu ne pouvais pas de débrouiller pour éviter ça, franchement ? reproche Sophie. Il n’y avait vraiment pas moyen de faire changer ce titre ?
            Elle soupire à nouveau, lui adresse un regard méprisant, et fait voler le magazine dans la limousine tandis qu’Axelle tourne le regard du côté de sa portière sans rien répondre.
            Le chauffeur leur adresse un regard blasé par son rétroviseur et leur annonce qu’elles sont sur le point d’arriver à destination…

            En écoutant Axelle me raconter ce trajet, je réalisai tout à coup que les images captées sur mon petit écran, la veille, complètement à l’ouest, étaient celles qui suivaient : la descente de la limousine devant les Douze Coups, les ultimes images de Sophie Rose, subitement redevenue rayonnante et malicieuse devant la haie de photographes.
            — Tu penses qu’elle était préoccupée par ce titre de L’Image ?
            — Bah ! Elle ne s’en souciait guère. Non, elle semblait lasse, enfin c’est ainsi que j’ai interprété la chose sur le moment.
            — Tu me dis qu’il s’agit là de vos derniers instants ensemble. Mais je ne comprends pas : comment vous êtes-vous débrouillées pour avoir été séparées durant toute la soirée ?
            — Oh ! Heu, comment dire… Le fait est qu’elle est à peine entrée dans la boîte.
            — Pourquoi ça ?
            — Eh bien en réalité, elle se contentait tout le temps d’exhiber sa frimousse face à la haie de journalistes puis elle repartait presque aussitôt. Comment t’imagines-tu qu’elle était capable de se montrer dans quatre de ces événements au cours de la même nuit ? C’était la plupart du temps comme ça que nous procédions ! Qu’est-ce que tu croyais ?
            — Mais toi-même, tu as bien participé à la soirée ?
            — Oui, bien sûr. C’était bon pour le business. C’était bon pour Sophie, et pour La Ligne Rose, si je me tapais la soirée de Bob Lévitan.
            — Et alors, où se trouvait-elle pendant ce temps-là ?
            — Elle était retournée dans sa suite. Elle était au Ritz ce mois-ci.
            — Mais je pensais qu’elle résidait ici à Paris. Pourquoi dormait-elle à l’hôtel ?
            — Elle avait vendu son appartement l’année passée. Depuis, elle allait d’hôtel en hôtel.
            — Pour des questions de sécurité ?
            — Non, non, s’esclaffa Axelle. C’est juste qu’elle se lassait très vite de tout, tu sais.
            Selon toute vraisemblance, Sophie Rose avait perdu la vie dans cet hôtel tandis que la soirée de Bob Lévitan battait son plein. Mais qu’avait-il bien pu se produire pour qu’elle décide tout à coup de se supprimer ?
            — Était-elle dépressive ?
            — Inconstante, frivole, puérile… Mais dépressive, je ne crois pas.
            — Avait-elle un petit ami ?
            Axelle hésita un instant.
            — Sophie Rose était lesbienne, Marc.
            — Oh ! Eh bien avait-elle une petite amie, une partenaire ?
            — Elle a eu quelqu’un, en effet, durant deux ou trois mois, ce qui constitue le record de durée de ses relations amoureuses.
            — Quel est son nom ?
            Elle hésita à nouveau.
            — Il s’agit de Karelle Amjahdi, soupira-t-elle en levant les yeux au plafond. La fille d’un vague prince saoudien, installée à Paris depuis le début de ses études. Elle travaille aujourd’hui dans la publicité.
            — Elles se voyaient toujours ?
            — Non, non. Ça s’était terminé, mal terminé, voici un mois…